Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Ici vous trouverez de courts récits (de fiction) basés essentiellement sur les sentiments humains et la manière dont chacun les interprète.

02 Dec

Les mots

Publié par Esther Descamps

Les mots

Il faut se taire, soupirer au mieux. Je ne peux de toute manière plus parler, ma gorge est nouée par l'angoisse. Je ne trouve plus mes mots et seuls subsistent ceux de trop, qui s'échappent alors de mes lèvres contre mon gré. Je me paralyse par peur du ridicule, par une recherche vaine de l'exactitude. Je porte un masque, un masque ludique et simple pour vaincre le silence et m'infiltrer dans les conversations mondaines. C'est ensuite un amas de regrets qui cognent contre les parois de ma tête. Mes yeux se vident de supplications à l'égard d'autrui, désirant qu'à travers ces mots superficiels ils déchiffrent une part de vrai, de sincérité. Je me grise à essayer en vain, à finir par me retrancher dans ma bulle où tout va bien, où je suis seule juge de mes actes et de mes dires. Je croule petit à petit dans une béatitude totale, dans ce handicap pesant.

 

Je veux parler pour ne pas subir le silence qui m'effraie et me réfléchit. Parce que je ne vois là dedans aucun confort, qu'une simple confrontation au vide, à un à quoi bon de la mondanité. Je parle pour ne pas dire ce qui me pèse et pour ne pas y penser surtout. Je parle pour m'absenter un peu de mon corps, pour m'effacer dans des futilités. A ces paroles ne résonnent que des sourires et des regards bienveillants, pleins de pitié. J'essaye de dire alors avec le corps, de donner des signes plus abstraits de ce que je voudrais en réalité communiquer. J'opère une chorégraphie maladroite qui demeure inaperçue, bloquée par des mots.

 

Je voudrais me taire, être simplement aux côtés d'autrui, les regarder et les désirer sans être vue. Qu'on me laisse tranquille, qu'on ne me demande plus de dire quoique ce soit pour que je me délivre enfin des maudits mots de trop. Qu'on m'invite à dire franchement pour ne plus passer par des conventions oiseuses.

 

Alors je pourrais dire que j'aime et que j'ai mal ; que je n'aspire qu'à un peu de beauté pour tâcher la routine , qu'à être attendrie, émue et aimée si possible. Que je veux me libérer d'un passé qui m'obsède en forgeant de nouveaux souvenirs à idolâtrer plus tard. Que je veux trouver les mots, pour les cracher, enfin.

Commenter cet article

À propos

Ici vous trouverez de courts récits (de fiction) basés essentiellement sur les sentiments humains et la manière dont chacun les interprète.