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Ici vous trouverez de courts récits (de fiction) basés essentiellement sur les sentiments humains et la manière dont chacun les interprète.

04 Mar

Lundi

Publié par Esther Descamps

Lundi

Elle est passée et la porte bat. Le souffle d'air, le bruit de ce battement venaient à moi.

 

17h 20, silence, silence étouffant de l'attente. Aucun bruit ne se fait entendre, aucun si ce n'est le clac clac de l'horloge et le cliquetis des ongles sur le métal de la chaise. Rien ne se passait, ce que l'on appelle rien, l'absolu de rien. Rien dans mon esprit, rien dans la salle. Une autre enfant passe, sens inverse, et la porte bat toujours, toujours le même bruit de frottement, comme une friction, des deux grandes portes battantes vertes l'une contre l'autre. Elles passent sans me voir, sans faire semblant, elles passent sans y réfléchir, tout naturellement, elles passent.

 

Je suis dans cette grande salle branche aux grandes fenêtre, encadrées de vert et couvertes de rideaux de tissu vert. De grands néons éclairent la salles, agressifs, comme dans un hôpital. C'est une salle de classe. Un parapluie est resté accroché sur le reposoir à craies du tableau, un oubli. Je suis sur une de ces tables d'écolier collée au mur, la porte est entrouverte et je vois le couloir, couloir clôturé par les grandes portes battantes. Je vois de loin la fenêtre et le paysage qu'elle découvre impudiquement. Des toits, des arbres, rien d'autre. L'ardoise glisse, polie par l'eau de pluie, les gouttières pleurent. Les arbres, eux, lâchent les quelques bourgeons qui y poussent en ce mois de mars.

 

Nous sommes un lundi, un lundi...Rien de merveilleux, rien d'extraordinaire n'arrive jamais le lundi. Le lundi, c'est un fait, est chiant, il est long, il est triste. Le lundi est dédié aux long contemplateurs des jours de pluie, à l'école et à l'ennui.

 

Les battements de portes deviennent de plus en plus fréquents, c'est la fin des cours, le lycée reprend vie. Les élèves passent, se croisent, s'entrechoquent pour former une masse épaisse d'enfants empressé de sortir. Je m'en vais à la fenêtre et j'observe le devant du lycée, une masse, toujours la même, qui fume, qui crie, qui se délite petit à petit.

 

C'est un rituel, dont je fais parti, une sempiternelle journée, le lundi, qui se répète encore et encore. Je m'appuie sur les murs, je suis comme eux spectatrice de ce qu'ils voient toujours, je les comprends. Je vois combien il est affligeant de revoir les mêmes visages, les mêmes action, cette masse adolescente crédule qui se sait pas que d'en haut ils sont tous pareil, des petits points sonores. Je vois combien il est oppressant de ne rien pouvoir faire, de ne rien pouvoir déclencher d'exceptionnel. C'est encore un énième lundi morose. Je m'en vais, je quitte à mon tour le lycée maintenant que tous sont parti, je fais battre pour la dernière fois de la journée les grandes portes vertes. Je suis les couloirs sans fin, les escaliers en faux marbres. Je passe le portail et m'en vais, me fondre dans la pluie, couler sur l'asphalte.

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